In Memoriam Panuwan Chantawannakul

Les grands « hommes » de l’apiculture sont bien souvent de grandes dames. C’est le cas de Panuwan Chantawannakul, qui vient de s’éteindre des suites d’un cancer terrible qui l’a terrassée la semaine dernière.

Une rencontre avec Panuwan, c’est son être entier qui rayonne dès les premiers instants d’un très large sourire, et d’une grande bienveillance. Elle vient vers vous et dès lors vous construisez de nouvelles choses ; en quelques mots c’est un univers entier de collaborations qui s’ouvre. Elle apporte la compétence et l’envie. Elle offre toute sa volonté pour trouver les moyens de faire avancer la science, et à la fin vous voyez bien que c’est votre âme, aussi, qui a progressé.

Et fallait-il sans doute une infinie douceur, pour poser et tenir les fondations du temple qu’elle a souhaité construire durant son existence, abandonnant des pans majeurs de sa vie de femme au service d’un dessein qu’elle a choisi. En ouvrant les portes de son laboratoire à la communauté des scientifiques mondiaux de l’abeille, c’est le berceau du genre Apis, et un regard plus profond sur la science apicole qu’elle offrait en cadeau à des collègues de tous les continents.

Et que brulent en ton honneur, Panuwan, toutes les bougies de Chiang Maï. Tous les lampions que tu as semés dans le ciel nous éclairent maintenant ; qu’ils inspirent respect et humanité à ce monde qui en a tant besoin.

A Chiang Maï : Apis cerana, Apis dorsata, apis florea

Le bilan de ces quelques années de collaborations est riche et ne s’éteindra pas avec Panuwan, tant elle a su insuffler à son équipe et à ses étudiants une motivation à poursuivre son action. Grâce à elle, nous avons progressé dans notre connaissance de l’abeille, de Nosema, de Tropilaelaps, de Varroa et nous avions projeté un nouveau travail sur les frelons asiatiques.

Sur le plan humain, ces projets ont permis à quatre membres de notre équipe de découvrir d’autres manières de travailler, d’autres façons de vivre. En retour, Panuwan et 3 autres membres de son équipe sont venus plusieurs semaines pour réaliser les expérimentations de protéomie sur l’abeille et découvrir la France.

Personnellement, j’ai aussi mieux compris, le contexte si particulier de l’apiculture thaïlandaise, l’une des premières qui ait mis en place une véritable lutte intégrée contre Varroa, et qui a développé une filière « miel« et « gelée royale » de grande qualité, reposant en grande partie sur la miellée pilier de longane . J’utilise aujourd’hui régulièrement ces connaissances.

Sur le plan scientifique, la production a été riche, sur une durée assez courte, avec un premier article publié à ce jour, trois autres en cours de publication et plusieurs projets potentiels. L’article déjà publié (Houdelet et Al., 2021) a permis de comparer les profils protéiques des différentes sections anatomiques du tube digestif. L’objectif était d’identifier des marqueurs répondant très précocement à l’infection par voie orale avec des Nosema de différentes origines : Nosema apis et Nosema ceranae provenant d’Apis mellifera en France, ou d’Apis mellifera et Apis cerana en Thailande. Nous avons eu la surprise d’identifier un très grand nombre de protéines dès l’œsophage (2185 protéines) et le jabot (2095 protéines), l’intestin moyen contenant 1571 protéines, l’intestin grêle, 2552 et le rectum 3173. Dès le 4è jour après l’infection et principalement au niveau de l’intestin moyen, on a observé des modifications physiologiques importantes et tout particulièrement 8 protéines de la voie de phosporylation oxydative. Nous proposons que la protéine nommée Collagen IV NC1Domain Containing protein puisse constituer un marqueur précoce de l’impact de Nosema sur l’état de santé de l’abeille domestique.

Les prochains articles vont traiter de l’impact de Nosema sur Apis ceranae, mais aussi d’une comparaison de l’impact de Varroa et Tropilaelaps sur l’hémolymphe de l’abeille, Tropilaelaps étant un parasite de l’abeille présent en Thailande, mais pas encore en Europe. Une étude sur le frelon asiatique est également envisagée.

Référence : Camille Houdelet, Chainarong Sinpoo; Thunyarat Chantaphanwattana, Sébastien N. Voisin, Michel Bocquet, Panuwan Chantawannakul and Philippe Bulet (2020) Proteomics of Anatomical Sections of the Gut of Nosema-Infected Western Honeybee (Apis mellifera) Reveals Different Early Responses to Nosema spp. Isolates - J. Proteome Res. 2021, 20, 1, 804–817 Publication Date:December 11, 2020- https://doi.org/10.1021/acs.jproteome.0c00658

Vendeur de Miel à Chiang Maï durant la fête des lanternes